Article de blog

7 juillet 2014

L’agilité industrielle, au-delà du trompe-l’oeil

Pour regagner en compétitivité, l’industrie française doit cultiver son « agilité », son aptitude à réagir rapidement aux évolutions de son marché. Mais au-delà des certitudes répétées à l’envie, qu’indique véritablement cette notion ?
Par David Machenaud, directeur associé d’OPEO

David Machenaud

Qui l’eut cru ? La notion d’agilité a fini par s’imposer dans le discours des dirigeants industriels français. Il y a quelques mois Laurent Tabey, le directeur de l’usine française de Tupperware à Joué-lès-Tours soulignait le rôle décisif de l’agilité dans le développement de son usine. De la même manière, Christian Bleicher, directeur industriel de GE Power Generation déclarait récemment : « l’adaptation aux cycles du marché passe nécessairement par la quête d’agilité« . Dernier exemple en date ? Pernod Ricard, qui a présenté mi-juin un plan stratégique baptisé Allegro dont l’objectif proclamé est de « donner plus d’agilité au groupe. »

L’ERREUR DE CEUX QUI ESPÈRENT GAGNER EN SOUPLESSE EN RÉDUISANT LEURS EFFECTIFS

Pour regagner en compétitivité, l’industrie française doit donc cultiver son agilité ! Mais au-delà des certitudes répétées à l’envi, qu’indique véritablement cette notion ? A bien y observer, on remarquera qu’elle désigne en fait des choses bien différentes. Automatisation des processus de production pour les uns, raccourcissement des circuits de décision pour les autres, voire même restructuration dans certains cas, l’agilité industrielle est devenue une formule, un fourre tout-ou-presque.

Elle s’est imposée dans le discours managérial avec d’autant plus de facilités qu’elle permet, à bien y observer, de légitimer à chaque fois la même décision stratégique : moins d’emplois pour plus de flexibilité. C’est peut être là que réside la principale erreur de ceux qui espèrent gagner en souplesse en réduisant leurs effectifs.

L’agilité industrielle peut être définie comme l’aptitude d’une industrie à réagir rapidement aux évolutions de son marché. Elle repose sur l’excellence opérationnelle, qui est déterminée par des équipes convaincues et impliquées dans la vision marché. Les solutions aux problématiques du marché ne peuvent être trouvées sans la participation active des équipes qui ont une connaissance fine des outils. Le véritable ressort de l’agilité industrielle ? Savoir tirer le meilleur des hommes et des moyens présents dans une organisation.

L’AGILITÉ, CATALYSEUR DES PROJETS D’INNOVATIONS ET REMPART CONTRE LE « MAUVAIS » INVESTISSEMENT

En conséquence, l’agilité ne correspond pas à l’allègement des effectifs, mais repose sur le développement managérial. Il importe néanmoins de préciser que ces mesures ne sont pas antagonistes : on peut vouloir former davantage moins d’opérateurs. Elle n’est pas non plus réservée aux leaders en bonne santé qui disposent d’une importante marge de manœuvre pour innover ou pour investir dans des outils largement automatisés, mais se destine à toutes les entreprises.

Certes, un leader à tout intérêt à adopter ce comportement agile, véritable catalyseur des projets d’innovations et rempart contre le « mauvais » investissement. Mais cette agilité est aussi une arme dans un contexte de crise pour les entreprises fragilisées. Par la quête d’une agilité supérieure, des dirigeants, des managers de terrain et des opérateurs peuvent conjointement améliorer la situation d’entreprises de toutes tailles et de tous moyens, en adressant les besoins du marché avec des réponses souvent différents et toujours meilleures.

L’acquisition d’une véritable agilité industrielle s’observe directement sur trois axes : l’augmentation de la productivité, la réduction des délais de mise sur les marchés des produits et la conquête d’un niveau de service au client supérieur. C’est cette agilité qu’il faut promouvoir et encourager.

Totem pour les dirigeants industriels qui ne jure plus que par elle, tabou pour les pouvoirs publics qui craignent de promouvoir par là de la destruction d’emplois déjà fragilisés, l’agilité industrielle n’a pourtant qu’un seul visage, acceptable pour toutes les parties prenantes : celui d’une industrie française redevenue compétitive et réactive sur ses marchés par les efforts conjoints des dirigeants et des opérateurs pour s’adapter constamment et en temps réel aux besoins fluctuants du marché.

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