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20 mars 2024

Circular4Good n°8 : vers l’électrification massive de nos usages, avec Xavier Piechaczyk

Comment la France peut-elle opérer sa transition énergétique tout en préservant son indépendance ? Dans un contexte de contraintes climatiques et de réalités géopolitiques, l’électrification massive du pays se présente comme la voie à suivre. Pour éclairer les contours de cette transformation, Xavier Piechaczyk, à la tête de RTE, Réseau de Transport d'Électricité, partage ses perspectives sur le podcast de Circular4Good.

[Écouter l’épisode]

La triple mission de RTE sous la direction de Xavier Piechaczyk

Au sein de l'architecture énergétique française, RTE se distingue par son rôle stratégique critique. L’entreprise est responsable du transport de l’énergie sur tout le territoire, via les lignes à haute et très haute tension.

Président du Directoire depuis l'été 2020, Xavier Piechaczyk pilote l'entreprise avec une triple mission.

Mission n°1 : éclairer les politiques énergétiques

RTE a pour première mission de fournir éclairage et expertise aux pouvoirs publics et aux débats nationaux sur l'énergie.

Reconnue pour ses publications prospectives et ses rapports détaillés, RTE guide la discussion publique avec des études approfondies, qui explorent les voies vers la neutralité carbone.

Mission n°2 : gérer l'infrastructure industrielle

En tant que gestionnaire d'infrastructure, RTE dépasse la fonction de régulateur pour revêtir celle d'industriel.

Avec la possession, la maintenance et le développement du réseau haute tension français, RTE gère une infrastructure vitale qui comprend plus de 100 000 kilomètres de lignes, 6 000 kilomètres de câbles souterrains, et 2 700 postes électriques.

Ce rôle est capital pour garantir une distribution efficace de l'approvisionnement énergétique du pays et interagir avec le réseau européen.

Mission n°3 : garantir l'équilibre offre-demande

La troisième, et peut-être la plus cruciale des missions de RTE, est la gestion de l'équilibre entre l'offre et la demande énergétique, ainsi que la garantie de la sécurité d'approvisionnement.

Confrontée au défi technique que représente la non-stockabilité de l'électricité, RTE assure que la consommation électrique du pays soit en parfaite adéquation avec la production, à tout moment.

Un rôle stratégique qui inclut la gestion des flux d’importation et d’exportation sur le réseau.

Neutralité carbone et réduction de la dépendance aux énergies fossiles

Un des premiers enjeux énergétiques de la France est la quête de la neutralité carbone.

Actuellement, la France, à l'instar de nombreux pays, dépend largement des énergies fossiles, « qui représentent 63% de notre mix énergétique », explique Xavier Piechaczyk.

Selon lui, l'urgence climatique est un moteur puissant pour réduire notre dépendance et atteindre les objectifs de neutralité carbone fixés pour 2050.

Pour remplacer progressivement les énergies pétro-sourcées et décarbonées, la France emprunte donc la voie de l’électrification : les énergies renouvelables (en particulier la biomasse), le nucléaire et l’hydrogène doivent permettre de transiter vers une énergie plus verte et plus durable.

Néanmoins, cette transition pose un défi complexe : comment garantir une production électrique durable et responsable en assez grande quantité pour tous les français ?

L'électrification comme vecteur de réindustrialisation stratégique

L'électrification massive du pays se confronte à la question de la capacité de production énergétique. Il va falloir compenser le manque causé par l’abandon progressif des énergies pétro-sourcées et carbonées utilisées aujourd’hui.

Pour Xavier Piechaczyk, l’électrification passera par une réindustrialisation stratégique de la France. S’il n’est pas question de se convertir au « tout électrique », une électrification massive implique d'accepter « entre 20 et 40 % de linéaire supplémentaire dans nos paysages », explique-t-il.

« Cette transition écologique passe par plus de matériaux. Donc ça fera plus de postes électriques, plus de pylônes, plus de câbles électriques, plus de baies de contrôle, etc. », poursuit l’expert.

Reste à savoir quelle sera la réponse citoyenne face à cette augmentation des infrastructures sous ses fenêtres ; « une contrepartie nécessaire pour l'autonomie énergétique et la souveraineté nationale », explique Xavier Piechaczyk au micro d’Aurélien Gohier et de Grégory Richa (respectivement, Directeur de la Communication d’OPEO et Associé OPEO).

Par ailleurs, outre la remise en question des modes de production et l’éternel challenge de l’acceptation sociale de l’industrie, le choix de l’électrique interroge aussi nos modes de consommation.

L'économie circulaire au cœur de la transition énergétique

La France pourra-t-elle se passer de l’économie circulaire pour effectuer sa transition énergétique ?

« Dans un monde où il y aura des tensions sur les matières premières, une des armes imparables pour l'Europe sera de se doter d'un écosystème d'économie circulaire », explique notre invité, avant de poursuivre : « Et c'est pour ça que votre émission [Circular4Good, ndlr] est très intéressante. C'est parce qu'elle fait passer cette pédagogie sur la question de l'économie circulaire maintenant. Parce que sur le moyen terme et sur le long terme, c'est de toute façon gagnant ».

En effet, la gestion des ressources matérielles (et la question de la sobriété des usages), constitue un enjeu critique pour l’avenir du pays. Sans cuivre, sans aluminium et sans acier, point de pylônes ni de câbles.

Pour faire face à la raréfaction des matières premières et/ou à leur accès rendu plus difficile, RTE travaille au recyclage des métaux essentiels.

L’entreprise recycle déjà 80 % de l'acier utilisé dans ses pylônes.

L'acier et l'aluminium des câbles aériens sont, quant à eux, soumis à un processus de séparation et de récupération minutieux. Une opération complexe qui se heurte à la nécessité de conserver les propriétés spécifiques de chaque métal, comme la conductivité et la résistance mécanique – cette dernière étant particulièrement critique pour l'aluminium, qui possède une faible résistance naturelle.

Les câbles souterrains, souvent composés de cuivre, constituent un autre front sur lequel RTE s'engage. Avec des projets qui visent à augmenter le taux de récupération, l'objectif est de réutiliser ce cuivre pour la fabrication de nouveaux câbles.

Toutefois, Xavier Piechaczyk admet que l'idéal de récupérer 100 % pour une réutilisation interne n'est pas immédiatement réalisable. « Ce qui compte, c'est finalement qu'on puisse garantir une forme de réemploi universel de notre propre infrastructure. », souligne-t-il. 

En conclusion : une vision démocratique pour une énergie durable

Réduction de la dépendance aux énergies fossiles, réindustrialisation stratégique, adoption de pratiques circulaires : l'électrification massive de la France est un projet ambitieux qui requiert une vision holistique et intégrée.

Ces enjeux soulignent la complexité de la transition énergétique, mais offrent également une voie vers un avenir plus durable. L'adoption d'une approche circulaire permet de répondre aux tensions sur les matières premières et de construire un écosystème résilient.

Cette perspective est déterminante pour assurer une transition énergétique qui ne se contente pas de verdir la production d'énergie, mais qui repense également la consommation, la production, et le recyclage dans une logique de durabilité et d'efficience des ressources.

Se pose alors la question de l’acceptation, par les citoyens, de nouvelles infrastructures dans le paysage. Alors que près de 40 % de notre énergie n’est ni extraite ni produite en France, les Français ont, jusqu’à présent, été protégés de l'impact paysager et territorial d’une production énergétique locale.

Sur ce point, Xavier Piechaczyk nous rappelle que la transition vers un système énergétique durable et des chaînes de valeur plus circulaires est un voyage commun qui requiert l'engagement de tous :

« Je crois que dans le monde, nous sommes parmi les mieux placés parce que nous combinons une sorte de maturité et de capacité intellectuelle et technologique. Tout ça dans une démocratie, et je ne crois pas qu'il y ait beaucoup d'endroits dans le monde qui arrivent à cumuler autant de qualités que celles que nous avons en Europe. »

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